Pièces pour clavecin de Frescobaldi, Picchi, Rossi, Kerll, Buxtehude, Forqueray, Scarlatti et Ligeti.
La période baroque est synonyme d’extravagances dans tous les domaines.
Le mot “baroque” lui-même, dans le dictionnaire, est synonyme de “irrégulier”, “original”, “bizarre”, “excentrique”…
Bien sûr, aux XVIIème et XVIIIème siècles, on ne connaissait pas ce mot qui permet aujourd’hui de designer une époque, un style ou une tendance.
Si il est facile dans une église baroque de repérer telle ou telle folie architecturale ou décorative, c’est parfois plus difficile en musique. La musique ancienne pour clavier nous réserve quelques surprises mais encore faut-il les mettre en évidence afin de révéler toute la richesse d’écriture du compositeur.
« La Jupiter » de Forqueray ou une sonate de Scarlatti peuvent se jouer en respectant scrupuleusement le texte mais la folie d’écriture sera bien peu perçue !
Il faut bien sûr exagérer les effets souhaités.
Un prélude de Buxtehude, écrit pour l’orgue de l’église Sainte Marie de Lübeck donc dans un cadre religieux ne peut prétendre à la même folie. Celle-ci se situe plus savamment dans la structure même du morceau qui alterne fréquemment les passages lents, rapides, calmes, tourmentés. Cette technique d’écriture est appelée « stylus fantasticus ». Sans être une musique descriptive, elle sollicite l’imaginaire.
La « Bataglia » de Kerll est quand à elle bien sûr descriptive en évoquant la folie guerrière peu artistique de l’homme.
L’Italie, berceau de la musique baroque, présente diverses folies d’écriture.
Frescobladi, dans les 326 mesures des « Cento Partite sopra passacaglia », enchaine plusieurs types de danses en explorant comme rarement à l’époque les tonalités.
Dans la « Toccata nona », il invente, pour les 2 mains de l’instrumentiste, une polyrythmie digne d’une partition contemporaine.
Rossi use anormalement du chromatisme dans sa toccata settima pour un résultat qui a du surprendre (voire choquer) le public d’alors.
Mais cette musique italienne pour clavier ne serait pas aussi surprenante sans l’utilisation du tempérament dit mésotonique qui, en proposant 8 tierces pures d’une beauté et d’un équilibre absolu, accentue les diverses rugosités de l’écriture. Tous les écarts de tonalités (seules les plus courantes étaient choisies à l’époque baroque) et le chromatisme sont ainsi mis en avant dans le seul but d’attirer l’attention telle une mouche sur un visage.
Dans la « Passacaglia ungherese, Ligeti rend un hommage à la musique ancienne. Il use à son tour du chromatisme dans un thème de danse calme qui progressivement sera chargé de bizarreries rythmiques. Ligeti précise qu’il souhaite un accord mésotonique pour l’instrument utilisé.